Avec sa formation Descodeuses, Souad Boutegrabet permet à des femmes issues de quartiers prioritaires, comme elle, de se former au code informatique. Un moyen pour elle d’agir pour l’équité.
Née dans le quartier des Tilleuls, à Orly (Val-de-Marne), Souad Boutegrabet a décidé, en 2017, de quitter le secteur bancaire, dans lequel elle travaillait depuis une dizaine d’années, pour fonder Descodeuses, une formation aux métiers du numérique à destination des femmes qui vivent dans les quartiers prioritaires de la ville. « Dans nos quartiers, la plupart des femmes sont aides-soignantes, cuisinières, infirmières ou agents de service, constate l’entrepreneuse. Avec Descodeuses, on veut parler à celles qui ont envie de se reconvertir vers un autre secteur, où elles auront un emploi mieux payé et souvent moins pénible physiquement ».
Cette startup sociale fait le lien entre ces talents, qui ne sont la cible ni des sociétés ni des écoles, et les entreprises qui sont en recherche de salariés dans les métiers du code informatique. « Notre approche repose sur un ancrage local : on veut s’implanter partout où il y a un fort taux de chômage, des entreprises qui recrutent dans les métiers du numérique et où les pouvoirs publics lancent un appel ». Dans le quartier de Belleville, à Paris, l’association travaille avec des entreprises pour répondre à un besoin sur un territoire donné. Dans le 19e arrondissement, BNP Paribas, embauche même plusieurs « descodeuses ».
Des formations rémunérées
« De plus en plus d’écoles affichent une volonté d’accueillir tous les profils, c’est bien, mais l’accompagnement de femmes des quartiers dans leur reconversion ne doit pas être fait à moitié, il faut s’adapter aux contraintes et besoins des profils adressés » , estime Souad Boutegrabet. Chez Descodeuses par exemple, les élèves sont souvent des mères célibataires, avec des problèmes de mobilité, des charges familiales et mentales élevées… Proposer un cursus flexible qu’elles puissent suivre devient un en enjeu majeur. Quand on lui parle d’Ada Tech School, auto-proclamée « école d’informatique féministe, accessible à toutes et tous », Souad Boutegrabet sourit : « L’école coûte 8 000 euros pour deux ans de formation, c’est comme 42, qui propose un cursus de trois ans sans aucune rémunération… Dans le milieu, on dit que c’est pour ceux qui n’ont pas réussi les écoles d’ingénieurs, plaisante-t-elle. Ces modèles reproduisent l’élitisme des autres formations. Il est impossible de dire aux personnes que je vise d’intégrer ma formation pendant 9 mois et sans rémunération ».
Pour trouver un modèle adapté, l’école travaille avec les entreprises qui font du mécénat de compétence et veulent recruter. « Et on ne propose ni l’un ni l’autre s’il n’y a pas un billet derrière », affirme l’entrepreneuse. Descodeuses négocie systématiquement une rémunération correcte durant la formation, en ne collaborant qu’avec des sociétés qui acceptent de payer leurs stagiaires 1200 euros par mois. « On ne forme pas au numérique pour former au numérique, on fait du code conscient », résume Souad Boutegrabet. Cette approche a d’ailleurs tout de suite séduit Estelle Barthélémy, cofondatrice de MozaïkRH, qui a accompagné l’entrepreneuse dans le cadre du programme REC Innovation. « Son projet reflète les qualités de Souad : pugnace, innovante, orientée résultats et avec un grand coeur », précise-t-elle.